Sur un banc ensoleillé, au milieu des bâtisses néo-gothiques couvertes de lierre de l’Université de Chicago, au faux air de quelque palais de fantasy, la Société de Recherches sur la Fiction et la Fctionnalité est née d’une conversation, entre Alison James et moi-même. Nos ambitions étant d’emblée rien moins que planétaires, nous avons tout de suite voulu élargir notre duo à une personne d’un pays non européen et non anglophone, où les recherches sur la fictionnalité existaient significativement. Akihiro Kubo, à l’époque de l’Institut de Recherches sur les Humanités de l’Université de Kyoto, maintenant professeur à l’Université de Kwansei Gakuin (non loin de Kobé), traducteur de Jean-Marie Schaeffer et de Gérard Genette, est devenu le deuxième vice-président de la société. Entre 2019 et 2024, trois congrès se sont déroulés, organisés par nous trois, dans nos lieux d’exercice : à Paris, à la Sorbonne nouvelle, en novembre 2019 (« Can Fiction change the World? »), puis à l’Université de Chicago en mars 2021 (« Impossible fictions »), et dans quelques jours, fin octobre 2024, à l’Université de Kwansei Gakuin (« Degrees of fictionality »). Les deux premiers colloques sont publiés (le premier sur papier, le second en ligne), nous avons réalisé un handbook, Fiction and Belief (Routledge, 2023).

             Le cycle lié à la fondation de la société se clôt. Le prochain colloque, en 2026, ne sera pas organisé par un des membres du trio originel ; un nouveau site internet, plus beau et plus professionnel, voit le jour ; un projet de revue se précise. Avec 176 membres, la relève se dessine, la prospérité de la société semble assurée. Certes, nous aimerions plus de membres venant des pays d’Afrique, d’Amérique latine, du monde arabe et d’Asie (nous avons quelques membres japonais et chinois, fort actifs, mais hélas en nombre insuffisant, et aucun coréen ou coréenne, ni d’aucun autre pays d’Asie). Les pays d’Europe sont eux-mêmes inégalement représentés, trop peu de membres appartenant à ceux du sud et de l’est. Nous ne désespérerons jamais de combler ces blancs.

            Des recherches et des colloques sur la fiction et la fictionnalité (les personnages, la métalepse, les mondes possibles, les fake-news…) se déroulent partout. Mais trop souvent, surtout en sciences humaines, les frontières entre les disciplines et les pays, même proches, dressent une forteresse impénétrable autour des travaux de leurs membres, réalisés dans la langue nationale et se contentant d’une audience de proximité. Plus largement, si le besoin presque universel de fiction ne suscite pas nécessairement de l’intérêt pour une réflexion savante sur cet usage de l’imaginaire, nombreux sont ceux et celles qui s’interrogent sur la différence entre réalité et fiction, sur le rapport entre fiction et mensonge. On se félicite de ce que la fiction envahisse le monde, ou, au contraire, on s’en alarme, on s’inquiète de son repli et de l’hostilité qui s’exprime à son égard. Pourquoi ne pas échanger des informations et des idées ? Participer à des discussions dans un cercle élargi, international ? Se connaître et faire connaître ce qu’on écrit et ce qu’on pense ?

            Puissent ce nouveau site et la revue qui s’annonce inviter encore davantage au partage des idées et des recherches, mais aussi à l’amour de la fiction.