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Editorial n°1, par Françoise Lavocat

Par Françoise LAVOCAT le 15 octobre 2024

Sur un banc ensoleillé, au milieu des bâtisses néo-gothiques couvertes de lierre de l’Université de Chicago, au faux air de quelque palais de fantasy, la Société de Recherches sur la Fiction et la Fctionnalité est née d’une conversation, entre Alison James et moi-même. Nos ambitions étant d’emblée rien moins que planétaires, nous avons tout de suite voulu élargir notre duo à une personne d’un pays non européen et non anglophone, où les recherches sur la fictionnalité existaient significativement. Akihiro Kubo, à l’époque de l’Institut de Recherches sur les Humanités de l’Université de Kyoto, maintenant professeur à l’Université de Kwansei Gakuin (non loin de Kobé), traducteur de Jean-Marie Schaeffer et de Gérard Genette, est devenu le deuxième vice-président de la société. Entre 2019 et 2024, trois congrès se sont déroulés, organisés par nous trois, dans nos lieux d’exercice : à Paris, à la Sorbonne nouvelle, en novembre 2019 (« Can Fiction change the World? »), puis à l’Université de Chicago en mars 2021 (« Impossible fictions »), et dans quelques jours, fin octobre 2024, à l’Université de Kwansei Gakuin (« Degrees of fictionality »). Les deux premiers colloques sont publiés (le premier sur papier, le second en ligne), nous avons réalisé un handbook, Fiction and Belief (Routledge, 2023).

             Le cycle lié à la fondation de la société se clôt. Le prochain colloque, en 2026, ne sera pas organisé par un des membres du trio originel ; un nouveau site internet, plus beau et plus professionnel, voit le jour ; un projet de revue se précise. Avec 176 membres, la relève se dessine, la prospérité de la société semble assurée. Certes, nous aimerions plus de membres venant des pays d’Afrique, d’Amérique latine, du monde arabe et d’Asie (nous avons quelques membres japonais et chinois, fort actifs, mais hélas en nombre insuffisant, et aucun coréen ou coréenne, ni d’aucun autre pays d’Asie). Les pays d’Europe sont eux-mêmes inégalement représentés, trop peu de membres appartenant à ceux du sud et de l’est. Nous ne désespérerons jamais de combler ces blancs.

            Des recherches et des colloques sur la fiction et la fictionnalité (les personnages, la métalepse, les mondes possibles, les fake-news…) se déroulent partout. Mais trop souvent, surtout en sciences humaines, les frontières entre les disciplines et les pays, même proches, dressent une forteresse impénétrable autour des travaux de leurs membres, réalisés dans la langue nationale et se contentant d’une audience de proximité. Plus largement, si le besoin presque universel de fiction ne suscite pas nécessairement de l’intérêt pour une réflexion savante sur cet usage de l’imaginaire, nombreux sont ceux et celles qui s’interrogent sur la différence entre réalité et fiction, sur le rapport entre fiction et mensonge. On se félicite de ce que la fiction envahisse le monde, ou, au contraire, on s’en alarme, on s’inquiète de son repli et de l’hostilité qui s’exprime à son égard. Pourquoi ne pas échanger des informations et des idées ? Participer à des discussions dans un cercle élargi, international ? Se connaître et faire connaître ce qu’on écrit et ce qu’on pense ?

            Puissent ce nouveau site et la revue qui s’annonce inviter encore davantage au partage des idées et des recherches, mais aussi à l’amour de la fiction.  

Qui a peur de la fiction ?

Par Françoise LAVOCAT le 20 novembre 2024

Workshop au congrès de l’AILC (Association Internationale de Littérature Comparée)

à Dongguk University, Séoul (Corée du Sud)

du 28 juillet au 1er août 2025

 

 

Charlotte KRAUSS, Professeure de littérature comparée à l’Université de Poitiers (France)

Françoise LAVOCAT, Professeure de littérature comparée à l’Université Sorbonne nouvelle (France)

charlotte.krauss@univ-poitiers.fr et francoise.lavocat@sorbonne-nouvelle.fr

 

 

 

Peur, mépris, haine, hostilité plus ou moins explicite : les sentiments négatifs à l’égard de la fiction se sont souvent exprimés dans l’histoire de la pensée, notamment en Occident. Les motivations de cette méfiance sont diverses : politiques, religieuses, morales, esthétiques…. Elles se reflètent dans des listes d’œuvres mises à l’index, dans des traités critiques, dans la création d’organismes veillant au respect des bonnes mœurs ou à la protection des mineurs, mais aussi dans des œuvres fictionnelles qui thématisent cette hostilité de manière inquiète, humoristique ou parodique. Si beaucoup a déjà été dit sur Don Quichotte ou Emma Bovary succombant à l’influence de romans d’un genre spécifique considéré comme néfaste, l’objectif de ce workshop est plus général. Il s’agit d’observer l’hostilité générée par la fiction en tant que monde habité de personnages imaginaires, dans différentes aires culturelles et différents médiums : l’apparition d’un nouveau medium, en effet, réactive la peur de l’immersion fictionnelle qui pourrait happer le lecteur. La fiction est accusée de ne pas dire la vérité, de détourner le public d’occupations sérieuses, si ce n’est de pervertir les esprits et d’inspirer des comportements déviants. L’expression d’une l’hostilité envers la fiction s’accompagne en outre souvent d’une préférence marquée pour les faits historiques, l’écriture documentaire ou le récit factuel.

Mais la peur de la fiction a-t-elle toujours été exprimée de la même façon, avec les mêmes arguments, les mêmes images ? Quels sont les contextes et les écoles de pensée qui favorisent la méfiance envers des productions de l’imaginaire ? L’hostilité à l’égard de la fiction est-elle un invariant anthropologique, ou est-elle conjoncturelle, ressurgissant périodiquement à la faveur de régimes autoritaires, de ferveur politique exclusive, de fanatismes religieux, au moment de l’invention de nouveaux médias ou encore, sous la domination de poétiques formalistes ?

L’objet de ce workshop est d’apporter des éléments de réponse à ces questions, en privilégiant des éclairages comparatistes et diachroniques, et en prenant pour objet d’étude soit des ouvrages critiques et philosophiques, soit des œuvres littéraires ou artistiques qui illustrent cette hostilité (qu’elles l’expriment ou la dénoncent ou qu’elles en aient été la cible). Les contributions évoquant des aires culturelles non européennes sont particulièrement bienvenues. Les communications pourront faire appel à l’analyse littéraire, l’analyse du discours, que l’histoire des idées, la traduction et les sciences cognitives.

Les angles d’approches, de façon non exhaustive, pourraient être les suivantes :

- L’analyse des périodes et des contextes qui favorisent l’expression d’une hostilité à la fiction.

- Les modes d’expression de l’hostilité à la fiction, dans des œuvres fictionnelles ou non : arguments, réseaux d’images, modes narratifs.

- L’attaque dirigée contre certains médias (selon les époques, la littérature, le théâtre, le cinéma, la bande dessinée, la télévision, les jeux vidéo), en tant qu’ils sont censés, notamment, favoriser une immersion fictionnelle jugée néfaste ou incontrôlable.

- L’association de l’immersion fictionnelle avec une forme de bêtise, éventuellement associée à l’enfance, à la féminité, au peuple.

- Le lieu commun de la fatigue, voire de l’exaspération à l’égard des stéréotypes supposés de la fiction.

- On pourra également s’interroger sur la dévalorisation implicite que recouvrent certaines catégories littéraires, comme « l’escapisme », l’opposition anglo-saxonne entre « novel » et « romance », ou encore la « distanciation » brechtienne. Des concepts critiques de ce type existent-ils dans d’autres langues ou d’autres cultures ?

- Que recouvre la traduction du mot « fiction » dans d’autres langues ? Certains mots qui la désignent ne recouvrent-ils pas une dévalorisation implicite (avec des idéogrammes signifiant le vide, par exemple ?)

- Comment les lois (à différentes époques et dans différents environnements culturels) attaquent ou défendent-elles la fiction ?

 

 

 

Si vous souhaitez demander des informations, écrivez aux organisatrices du workshop :

 

Charlotte KRAUSS et Françoise LAVOCAT

charlotte.krauss@univ-poitiers.fr et francoise.lavocat@sorbonne-nouvelle.fr

 

Merci de soumettre votre proposition de communication (en français ou en anglais) directement sur le site du congrès, ici :

 

https://icla2025-seoul.kr/en

 

Choisissez (1) la rubrique « Individual Sessions », puis (2) la rubrique « Accepted Open Group Individual Session Proposals », puis (3) le workshop « Who is afraid of fiction ? »

 

La date limite de soumission est le 7 janvier 2025. Les notifications d’acceptation seront envoyées le 31 janvier 2025.
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